Kitchen coaching et cook-dating...
Dans ma rubrique « Le monde comme il va », je souhaiterais ajouter ce billet dhumeur écrit après avoir vu un sujet dans la très ronflante émission Envoyé Spécial, jeudi dernier. Le sujet traitait dun nouveau phénomène de mode (lémission est très friande de ces fameux « faits de société » quelle présente sans le moindre petit bout de début de commencement de regard critique), qui concerne de pauvres petits trentenaires urbains (CSP +++ bien sûr) qui ont adopté ce que certains pseudo-sociologues bien complaisants appellent l a « gourmet attitude », à savoir un engouement pour les merveilles de la « nouvelle cuisine », cette post-cuisine carrément post-moderne où prime « linnovation », le mélange de tout et nimporte quoi, du moment que cest « créatif » , hors de prix, et surtout que cest « esthétique »
Car comme dans tous les domaines aujourdhui, la forme prime sur le fond. Une de ces pathétiques trentenaires urbaines que lon voyait dans le (publi)reportage prendre des cours de (nouvelle) cuisine avec un chef étoilé au Michelin (600 Euros le cours, tout de même) déclarait aimer plus que tout « théâtraliser » sa cuisine. Lesprit du « design » a donc colonisé jusquà cette chose simple, humaine, anthropologiquement universelle, quest lacte de préparation de la nourriture.
Comme on sen doutait, limportant dans ces « cours de cuisine » (de « kitchen coaching » !), comme plus généralement dans lesprit du mouvement « fooding », limportant nest donc pas la nourriture elle-même. Disons que celle-ci devient un prétexte. Pour renouer les liens dans une équipe de travail par exemple Ou encore pour rencontrer lâme sur ! Eh oui, des crétins créatifs ont même donné un nom à ce nouveau mode de rencontre, ça sappelle, ne rigolez pas, le « cook-dating » !!! Après le phénomène effarant (importé des Etats-Unis bien entendu) du « speed dating », où dans le cadre dune soirée spéciale dans un bar ou un restaurant, des célibataires tendance « célibattants » (sic) enchaînaient (cest le mot juste) des « entretiens » de 7 minutes (pas une de plus) avec des personnes de lautres sexe, voici donc venu le temps du « cook dating » Et ça marche ! On voyait dans le reportage une belle Barbie inviter chez elle un beau Ken à venir déguster une recette quils avaient apprise ensemble au cours dun « atelier de cuisine » ! Enfin je dis que ça marche, mais en fait pas tant que ça, puisque le commentaire off laissait entendre que depuis le beau Ken navait pas redonné de nouvelles à la belle Barbie. On verse une larme
Quel monde tout de même que cette époque où on ne sait plus quoi inventer, où danciens pros du marketing reconvertis associés à de jeunes trous du cul fraîchement sortis de leur école de commerce viennent pervertir cet acte humain et familial quest le repas commun, et profitent de la misère humaine actuelle (on ne vas pas non plus sapitoyer sur ces victimes consentantes) de ces pauvres Ken et Barbie dont les parents et en loccurrence les mères (pour cause de magnifique « émancipation » par un salariat asservissant) nont pas même transmis lacte déplucher des légumes Cette post-humanité formidablement décrite par Houellebecq où les rencontres sont désormais quasiment impossibles, sauf dorénavant autour de la préparation collective (et payante) de 3, 4 sushis qui se battent en duel dans une cuisine Bulthaup à lambiance glaciale de bloc opératoire
-Bon, moi maintenant, après ce coup de bec salutaire, je vais aller me faire un bon gros kebab !!! (jadore mes chutes
;-)
(voir aussi mon papier "Nouvelle cuisine" )