Kitchen coaching et cook-dating...

Publié le par Nicolas

Dans ma rubrique « Le monde comme il va », je souhaiterais ajouter ce billet d’humeur écrit après avoir vu un sujet dans la très ronflante émission Envoyé Spécial, jeudi dernier. Le sujet traitait d’un nouveau phénomène de mode (l’émission est très friande de ces fameux « faits de société » qu’elle présente sans le moindre petit bout de début de commencement de regard critique), qui concerne de pauvres petits trentenaires urbains (CSP +++ bien sûr) qui ont adopté ce que certains pseudo-sociologues bien complaisants appellent l a « gourmet attitude », à savoir un engouement pour les merveilles de la « nouvelle cuisine », cette post-cuisine carrément post-moderne où prime « l’innovation », le mélange de tout et n’importe quoi, du moment que c’est « créatif » , hors de prix, et surtout que c’est « esthétique » … Car comme dans tous les domaines aujourd’hui, la forme prime sur le fond. Une de ces pathétiques trentenaires urbaines que l’on voyait dans le (publi)reportage prendre des cours de (nouvelle) cuisine avec un chef étoilé au Michelin (600 Euros le cours, tout de même) déclarait aimer plus que tout « théâtraliser » sa cuisine. L’esprit du « design » a donc colonisé jusqu’à cette chose simple, humaine, anthropologiquement universelle, qu’est l’acte de préparation de la nourriture.

Comme on s’en doutait, l’important dans ces « cours de cuisine » (de « kitchen coaching » !), comme plus généralement dans l’esprit du mouvement « fooding », l’important n’est donc pas la nourriture elle-même. Disons que celle-ci devient un prétexte. Pour renouer les liens dans une équipe de travail par exemple… Ou encore pour rencontrer l’âme sœur ! Eh oui, des crétins créatifs ont même donné un nom à ce nouveau mode de rencontre, ça s’appelle, ne rigolez pas, le « cook-dating » !!! Après le phénomène effarant (importé des Etats-Unis bien entendu) du « speed dating », où dans le cadre d’une soirée spéciale dans un bar ou un restaurant, des célibataires tendance « célibattants » (sic) enchaînaient (c’est le mot juste) des « entretiens » de 7 minutes (pas une de plus) avec des personnes de l’autres sexe, voici donc venu le temps du « cook dating »… Et ça marche ! On voyait dans le reportage une belle Barbie inviter chez elle un beau Ken à venir déguster une recette qu’ils avaient apprise ensemble au cours d’un « atelier de cuisine » ! Enfin je dis que ça marche, mais en fait pas tant que ça, puisque le commentaire off laissait entendre que depuis le beau Ken n’avait pas redonné de nouvelles à la belle Barbie. On verse une larme… 

 

Quel monde tout de même que cette époque où on ne sait plus quoi inventer, où d’anciens pros du marketing reconvertis associés à de jeunes trous du cul fraîchement sortis de leur école de commerce viennent pervertir cet acte humain et familial qu’est le repas commun, et profitent de la misère humaine actuelle (on ne vas pas non plus s’apitoyer sur ces victimes consentantes) de ces pauvres Ken et Barbie dont les parents et en l’occurrence les mères (pour cause de magnifique « émancipation » par un salariat… asservissant) n’ont pas même transmis l’acte d’éplucher des légumes… Cette post-humanité formidablement décrite par Houellebecq où les rencontres sont désormais quasiment impossibles, sauf dorénavant autour de la préparation collective (et payante) de 3, 4 sushis qui se battent en duel dans une cuisine Bulthaup à l’ambiance glaciale de bloc opératoire…


           -Bon, moi maintenant, après ce coup de bec salutaire, je vais aller me faire un bon gros kebab !!! (j’adore mes chutes… ;-)

 

(voir aussi mon papier "Nouvelle cuisine" )

 

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V
euh..."coloniser cette chose simple, humaine et anthropologiquement universelle qu'est la cuisine..."<br /> La cuisine est culturelle (trop de tobie...) et loin d'etre simple!Quid du cru et dui cuit,de l'endo et l'exo cuisine ( ça c'est du concept!) de Levi Strauss..;alors cru-sushi-bobo ou cuit-roti ou bouilli en cette ere post-moderne...ça meriterait une thèse, tu te lances??
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